Panorama de presse : 2007

Le défi de la recherche

Le Figaro | 23-02-2007 | Nicolas BARRE | p. 17

En complément :

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lnint Les établissements d'enseignement supérieur sont poussés à se regrouper
lnint De plus en plus d'économistes se laissent séduire par les États-Unis

 

L'éditorial de Nicolas Barré .

Dans un pays où l'on s'inquiète à juste titre de l'état de l'université et de la recherche, la création de l'École d'économie de Paris, formellement inaugurée hier par le premier ministre, constitue une belle raison d'espérer. Elle symbolise, en effet, une victoire contre l'impressionnante collection de blocages qui accable l'organisation de la recherche dans notre pays.
Déjà plus connue sous son nom anglais, la Paris School of Economics (PSE) bouscule un monde universitaire qui se distingue par son conservatisme et sa résistance au changement, caractéristiques au demeurant bien étranges si l'on songe au besoin de rupture qu'implique par nature la démarche scientifique.
Avec son statut entièrement privé de fondation à l'américaine, des fonds propres bien à elle, le soutien de riches donateurs privés, un conseil d'administration totalement indépendant et des personnels embauchés en CDI, cette nouvelle institution de recherche ne présente rien de bien original par rapport à ce qui existe depuis toujours aux États-Unis, destination préférée des cerveaux de la planète. Mais elle s'apparente à un ovni dans notre univers universitaire corseté, où l'on tient par-dessus tout au statut public, où l'autonomie demeure un tabou, où la subvention d'État constitue la source principale, sinon unique, de financement, où les conseils d'administration sont contrôlés en majorité par des représentants syndiqués des étudiants et des personnels administratifs, et où la qualité de l'enseignement et de la recherche ne subit pas de sanctions.

 
Ces règles de fonctionnement ne sont tout simplement plus acceptables. Elles appartiennent à un autre siècle. Le marché de la recherche universitaire - oui, il s'agit d'un marché - est mondial. Les chercheurs et étudiants français qui peuplent les campus de Boston, de New York ou de Californie l'ont compris depuis longtemps. Il était temps que la « tutelle », comme on dit encore bizarrement en France, le comprenne à son tour. Car, au point où est tombée la recherche universitaire dans notre pays, le défi n'est plus seulement d'attirer les meilleurs Européens, Asiatiques ou Américains. Il est aussi de ralentir la fuite des cerveaux et de faire revenir ceux qui sont partis parce que les conditions de recherche offertes à l'étranger sont incomparablement supérieures.
La création de la Paris School of Economics constitue un début de réponse à ces défis majeurs pour l'avenir de notre pays. Mais la partie est loin d'être gagnée. L'autonomie, l'appel au privé dérangent. Les forces qui se sont liguées contre cette nouvelle institution sont toujours là, vivaces. Il est regrettable, par exemple, que le gouvernement ait renoncé à accorder à la douzaine d'autres pôles de recherche en projet dans d'autres disciplines la même autonomie financière.
Les candidats à la présidentielle promettent tous d'augmenter les crédits de la recherche. Fort bien. Mais, tant que la gouvernance et l'efficacité de notre système universitaire ne seront pas revues de fond en comble, déverser des milliards d'euros de plus dans le système tel qu'il existe ne fera qu'accentuer ses travers.